Les
sociétés occidentales, au lendemain de la seconde guerre mondiale,
connaissent une période de croissance accélérée: Les Trente Glorieuses.
Cette phase de prospérité économique voit notamment l'émergence et le
développement de la société de consommation et son modèle capitaliste.
Ainsi, à partir de 1960 environ et au moment où la génération du "baby boom" survenu à la fin des années 40/début années 50 domine la démographie américaine, le
mode de vie en Amérique du Nord est fondamentalement transformé. Les
américains se familiarisent avec la consommation de masse, la
standardisation des rôles hommes-femmes, et la popularisation de
"l'American way of life".
Cependant, en réponse à cette nouvelle façon
de vivre, et à la volonté de la majorité de se conformer à celles-ci,
plusieurs mouvements de protestation émergent. Un phénomène amplifié par
la crise économique de 1973 qui met fin aux Trente Glorieuses. Les
nombreuses désillusions qu'elle amène pousse toute une génération à se
dissocier des masses et à expérimenter son propre mode de vie. D'autres,
sans se retirer totalement, se dissocient à travers les mouvements
étudiants notamment. Dans tous les cas, l'objectif reste le même: réagir
aux dérives de cet "American way of life" en contestant des sujets tels
que la guerre du Vietnam, la surconsommation, l'emprise de l'Eglise ou
l'indifférence du gouvernement vis à vis de la destruction de
l'écosystème par exemple. Ainsi naît la contre-culture américaine, dont les mouvements d'oppositions culturels se propagent ensuite en Europe occidentale.

Retour sur un événement majeur, la guerre du Vietnam:
Bien
que ce soit une addition de phénomènes multiples qui est à l'origine de
ces mouvements contestataires, la guerre du Vietnam constitue un
élément majeur,
celui qui provoque la première manifestation aux Etats-Unis.
Le conflit dans sa globalité:
Cette
guerre commence pour les américains le 11 décembre 1961 par une
première intervention armée, et se clôture en 1975. Il s'agit d'un
conflit qui oppose la république du Vietnam, soutenue par les
Etats-Unis, qui finissent par s'incliner, à la république démocratique
du Vietnam, appuyée par l'URSS et la Chine.
Pourquoi sépare-t-il la société américaine?
La
polémique est engendrée par le nombre considérable de victimes, estimé
entre 2 et 5 millions, une violence jugée disproportionnée pour une guerre lointaine, sans front défini. La
guerre est qualifiée par ses détracteurs, majoritairement étudiants, de
"sale guerre", ou encore "guerre impérialiste" qui oppose une nation
puissante à plus démunis qu'elle. Les violentes images rapportées par
les médias, d'enfants mutilés, d'exécutions sommaires, ou encore de
civils tués heurtent de plein fouet le patriotisme et la bonne morale
étasunienne. La pleine confiance qu'avaient les américains en leur armée
s'affaiblit. Les sondages effectués entre août 1965 et décembre 1967
montrent que le nombre d'américains soutenant la politique du
gouvernement est passée de 60% à 48%, alors que celui des opposants ne
cessent de s'accroître. L'Etat-major reproche à Johnson, alors président
des Etats-Unis, de ne pas savoir rallier l'opinion publique à l'effort
de guerre.
De la contestation contre
la guerre du Vietnam naît une profonde division culturelle,
représentative du fossé intergénérationnel qui se creuse au sein de la
société américaine.
Un conflit intergénérationnel:
L'évolution des mœurs:
Tandis
que les années 50 se caractérisent par des valeurs conservatrices, le
début des années 60 marque un changement significatif en questionnant
l'autorité. Si avant les objectifs privilégiés étaient d'avoir un emploi
stable, une maison, une famille épanouie en passant par l'obéissance
aux règles sociales, la jeunesse prône désormais l'expression de soi et
une attitude libératrice. Cette génération remet en question sa façon de
vivre comme peu auparavant. Les débats sont divers, et malgré les
divergences internes aux groupes, elle a le sentiment d'avoir de
nouveaux défis à relever sur les plans culturels et politiques.
Le rôle de la télévision:
La
télévision est née en 1950, mais c'est dans les années soixante qu'elle
devient une pierre angulaire dans le paysage culturel des Etats-Unis,
92% de la population américaine possède alors un téléviseur. Il s'agit
donc d'un média en plein essor qui se présente comme un nouveau témoin
du monde. Par exemple, la couverture de la guerre du Vietnam par la
télévision rend grandement accessibles les scènes d'horreurs relatives au conflit. Alors que les articles de presse sont souvent axés sur la stratégie militaire, la télévision met
l'accent sur le spectaculaire, voir le choquant. En somme, les images
sont divulguées aussitôt reçues, et les analyses des journalistes
manquent souvent de nuances. Depuis l’assassinat du président Kennedy
en 1963, il s'agit de l'événement revêtant la plus grand couverture
médiatique. La guerre, ses injustices, ses horreurs et ses
incompréhensions, se déroule en direct dans les foyers.
Le
développement de ce nouveau moyen de communication a un impact sur la
perception donnée de la guerre du Vietnam aux populations, mais par
extension sur la société américaine en général.
Cependant,
une génération s'approprie ce média plus facilement que les autres:
celle du Baby Boom, et c'est à travers elle principalement que ses
images sont diffusées et comprises. D'ailleurs un grand nombre
d'émissions télévisuelles visent alors cet auditoire. Certaines d'entre
elles amènent les jeunes à s'intéresser au mode de vie emprunt de
liberté caractéristique de la côte ouest des Etats-Unis et forge le
"mythe de la Californie" dont les idées se diffusent rapidement.
L'émergence de la télévision participe donc à renforcer le fossé qui se creuse entre les générations.
La contre-culture naît ainsi d'une division au sein de la société, à l'heure où un changement d'état d'esprit s'opère dans les rangs de la jeunesse américaine, relaté notamment par l'émergence de nouveaux médias. Elle s'organise donc en groupes, communautés, mouvements tous différents les uns des autres mais ayant pour but commun soit le détachement d'une société et de mœurs dans lesquelles elle ne se retrouve plus, soit la transformation de celles-ci.